Saillie de sa jument ou insémination ? Tout sur la reproduction du cheval
Avec l’arrivée du printemps et des beaux jours, c’est le début de la saison de monte, la saison de reproduction ! Peut-être pensez-vous déjà à vos projets d’élevage et au futur poulain qui viendra au monde... Malheureusement, une analyse bactériologique et un peu de chance ne suffiront pas pour que votre votre jument devienne gestante. Certes, il va vous falloir choisir le bon géniteur, l’étalon adéquat pour votre poulain rêvé, mais vous devrez aussi connaître les alternatives qui s’offrent à vous pour la reproduction : saillie en liberté, saillie en main, ou insémination artificielle. Quelles sont leurs particularités de la saillie du cheval ? Quand faire saillir sa jument ? Quelles sont les précautions à prendre et à quel moment faire venir le vétérinaire ? Nous répondons à toutes vos questions dans cet article.
Saillie d’une jument : en main ou en liberté ?
Pour résumer, il y a trois options possibles pour la reproduction du cheval. Tout d’abord, la saillie de la jument par un étalon suivant deux méthodes distinctes : la monte en liberté, la plus proche de la reproduction naturelle des chevaux sauvages, et la monte en main, dans laquelle il y a bien saillie mais qui se distingue du fait de l’intervention de l’homme. La troisième méthode est l'insémination artificielle, dans laquelle il n’y pas de saillie.
La monte en liberté
La monte en liberté est la méthode à la fois la plus naturelle et la plus efficace pour la reproduction de la jument, mais elle n'est pas proposée par tous les propriétaires d'étalons, car compliquée de par les déplacements qu’elle implique, et risquée pour les étalons (éventuelles blessures). En 2015, elle représentait tout de même 25% des saillies en France, ce qui est loin d’être négligeable.
Comment se déroule la saillie en liberté ?
Dans cette méthode de saillie, un étalon rejoint pour un certain temps un groupe de juments, qui peuvent d’ailleurs être avec leurs poulains.
L'éleveur commencera par rassembler dans un enclos toutes les juments destinées à l’accouplement. Après quelques jours passés ensemble afin de les habituer les unes aux autres, il fera entrer l'étalon. Ce petit groupe devra rester ensemble pendant plusieurs semaines (parfois plusieurs mois pendant la saison de monte, voire toute l’année), afin que toutes les juments passent au moins par deux épisodes de chaleur.
L’étalon, quant à lui, doit rester dans l’enclos plusieurs semaine, car sa présence constante avec le troupeau permet d'assurer l'équilibre hormonal des juments, et en période de chaleur, lui permettra de saillir plusieurs fois les juments (en moyenne, saillie de une à deux juments par jour).
Avantages et inconvénients
Le fait que le même étalon puisse saillir toutes les juments présentes dans le troupeau, a un impact d’un point de vue génétique. C’est pourquoi cette méthode n’est pas utilisée pour certaines races dans lequel le focus repose sur la recherche d’un potentiel génétique particulièrement élevé.
Le taux de poulinage de cette méthode est souvent très élevé. En effet, les facteurs tels que l’exposition directe à la lumière du soleil, un exercice quotidien, une alimentation naturelle au pré, contribuent certainement à ces bons résultats. Par ailleurs, la saillie en liberté n’est pas traumatisante pour les chevaux.
Soulignons cependant que la monte en liberté comporte toutefois un inconvénient : le risque de blessures inhérentes à la proximité d’animaux ne se connaissant pas bien, dans une période aussi chargée en hormones. On n’est jamais à l’abri d’une ruade d’une jument peu disposée à supporter les avances d’un étalon trop entreprenant. Ce risque est souvent largement surestimé, mais ne peut cependant être exclu. Par ailleurs, cette méthode nécessite que l’on déplace et immobilise l’étalon pendant une longue période, et suppose donc que les chevaux se trouvent dans des zones géographiques pas trop éloignées.
La monte en main
Cette méthode est caractérisée par l’intervention de l’homme, et demande un certain savoir-faire pour bien encadrer l'accouplement des chevaux. Dans la monte en main, il faut notamment s’assurer au préalable que la jument est bien en chaleur.
Comment se déroule la saillie ?
Dans cette technique de saillie, l'étalon et la jument sont réunis dans le lieu de saillie (un enclos ou un manège par exemple), mais dans des conditions contrôlées. Dans le cas de la monte en main, la jument est mise à proximité de l'étalon, et lui est présentée plusieurs fois. L'étalon et la jument ne sont pas en liberté, mais tenus en longe, équipés d’un licol, et guidés par un étalonnier, qui se trouve physiquement avec les chevaux et contrôle que l’accouplement se déroule bien. L’étalon est amené à la longe vers la jument, autorisé à la flairer, jusqu’à ce qu’il soit en érection complète et puisse la chevaucher.
La jument est souvent entravée ou chaussée de bottines de protection de manière à ne pas blesser l’étalon en cas de ruade s’il venait à l’approcher à un moment qui ne lui convient pas. On lui dispose souvent une petite couverture de protection sur son garrot pour éviter que l’étalon ne la morde pendant la saillie.
Avantages et inconvénients
Le taux de réussite de cette méthode est relativement élevé, et le risque de blessure est contrôlé si la jument est correctement entravée. Par ailleurs, les saillies sont réalisées dans de bonnes conditions d’hygiène.
Cependant, c’est une méthode relativement traumatisante et coercitive pour la jument : il n’y a pas de préliminaire, elle ne peut pas bouger, les chevaux ne se connaissent généralement pas, et parfois l’étalon peut mordre la jument...
L’insémination artificielle
Insémination avec du sperme frais ou du sperme réfrigéré
Dans le sport de compétition ou pour les étalons ayant une forte demande, ne soyez pas surpris s’il n’y a pas de sperme frais disponible, ou si la qualité du sperme est amoindrie du fait d’efforts physiques récurrents et trop intenses. De plus, les transports sur de longues distances peuvent également avoir un impact négatif sur la qualité du sperme réfrigéré.
Insémination avec du sperme congelé
Avantages
Le sperme congelé a cet avantage sur le sperme frais, qu’il ne nécessite pas l’immobilisation de l’étalon : il laisse beaucoup plus de flexibilité aux éleveurs de juments, et évite des déplacements coûteux aux étalons qui peuvent donc se consacrer à leur carrière sportive, tout en s’assurant une lignée. La commercialisation est également simple et pratique puisque la semence congelée peut être livrée sur de longues distances, et couvrir ainsi une large zone géographique. Et dans cette méthode, il n’y a pas de risque de blessure pour le coup !
Ces bénéfices expliquent pourquoi cette méthode est la plus utilisée par les éleveurs.
Inconvénients
Toutefois, son inconvénient principal est que l'insémination doit avoir lieu dans une fenêtre de temps très rapprochée de l'ovulation. En effet, les spermatozoïdes décongelés ne peuvent survivre que 6 heures environ. Cela signifie qu'une jument à inséminer doit passer une échographie jusqu'à 3 ou 4 fois par jour afin de déterminer avec précision le moment de l’ovulation. La jument, ne pouvant donc être inséminée à domicile, doit être amenée à la clinique pendant la période proche de l'ovulation.
Un autre inconvénient vient du fait que cette méthode est peu naturelle, et qu’en sur-sollicitant certains étalons à la mode pour la reproduction et l’insémination, l’on se prive d’un plus grand pool génétique, et prend le risque que les poulains et leur descendance développent des maladies héréditaires.
Quand faire reproduire sa jument ?
Le moment de l'insémination dépend de la méthode choisie pour la reproduction : s’agit-il d’une saillie (monte à la main, monte en liberté) ou d’une insémination artificielle ?
Dans ce dernier cas, s’agit-il de sperme frais, ou de sperme congelé ?
Quand faire saillir sa jument ?
Cas de la monte en main
Dans le cas de la monte en main, qui se caractérise par l’intervention humaine de l’étalonnier, les saillies doivent avoir lieu avant l’ovulation. En effet, les spermatozoïdes de l’étalon survivent de 24 à 48 heures dans l’appareil reproducteur de la jument. Quant à l’ovocyte, il ne survit pas plus de 10 heures après ovulation.
En général, si vous utilisez seulement le passage à la barre pour suivre la jument, il est recommandé, pendant la durée des chaleurs, de la faire saillir toutes les 48 heures, jusqu’à ce qu’elle n’accepte plus l’étalon. A l’inverse, si la jument est contrôlée par échographie, vous pouvez arrêter les saillies dès l’ovulation.
Cas de la monte en liberté
Dans le cas de la monte en liberté, l’intervention de l’homme est très limitée ; ce dernier a essentiellement un rôle d’observateur. Dans ce type de saillie, c’est l’étalon qui détecte les chaleurs des juments ; il n’y a donc pas besoin de conduite de techniques de reproduction. Les saillies sont laissées au déroulement naturel et aux interactions sociales du troupeau, entre l’étalon et les juments. Si l’étalon est resté toute la saison de monte avec les juments, il n’est pas rare que le taux de juments pleines soit supérieur à 90% en fin de saison.
Quand dois-je faire inséminer ma jument ?
Si vous effectuez une insémination avec du sperme frais, vous devrez agir au plus près possible de l'ovulation. Votre vétérinaire pourra tout à fait répéter l’opération deux jours après la première intervention de façon à être sûr que la jument a bien reçu du sperme pendant l'ovulation.
Si vous souhaitez inséminer avec du sperme congelé, c'est un peu différent. L’insémination doit être accomplie dans la période des 6 heures précédant l'ovulation et jusqu'à 6 heures après celle-ci. Idéalement, elle doit avoir lieu le plus près possible du moment de l'ovulation. Le laps de temps est ici beaucoup plus court, et on insémine une seule fois pendant les chaleurs de la jument.
Vous cherchez une alimentation saine pour votre jument ?
Quand faire venir le vétérinaire et que contrôler ?
Repérer les signes de chaleurs chez la jument, puis consulter
Le premier point consiste à vous demander si vous avez repéré ou reconnu des signes de chaleurs chez votre jument.
Souvent, pour bien les mettre en évidence, on effectue le test du “passage à la barre” dans lequel la jument est mise en présence de l’étalon. Mais dans certains cas, les signes sont très discrets (les chaleurs sont dites alors silencieuses), et il est très difficile pour le propriétaire de les discerner. Dans ce cas, une échographie est nécessaire pour observer le stade de développement du follicule jusqu’à l’ovulation (voir paragraphe ci-dessous).
Puis votre vétérinaire effectuera un contrôle complet, afin de voir si tout est en ordre : l'utérus et les ovaires sont-ils normaux ? Y a-t-il un écoulement ? Le vétérinaire pourra également voir si la jument est effectivement bien en chaleur, et estimer à quand remontent ses dernières chaleurs.
Un examen bactériologique pour vérifier le bon état sanitaire de l’utérus
Si la jument est en chaleur, le vétérinaire peut effectuer directement une analyse bactériologique utérine pour vérifier le bon état sanitaire de son appareil reproducteur. En effet, certaines juments peuvent avoir été infectées par des bactéries qui impactent leurs chances de fécondation. Si le prélèvement est positif, cela signifie qu'on est en présence de bactéries pathogènes (Escherichia Coli, Streptocoques…) et que la jument ne doit pas être inséminée ou saillie. Cette analyse peut également montrer la présence de champignons.
En revanche, si le test est négatif, la saillie peut avoir lieu.
Une échographie pour contrôler les ovaires et l’utérus
Votre vétérinaire procèdera également à une échographie pour l’inspection de l'utérus et des ovaires. En effet, comme nous l’avons vu plus haut, l’ovulation a lieu chez la jument en fin de chaleurs et seul un suivi ovarien par échographie permet de déterminer précisément le moment de l’ovulation.
Cet examen permet de visualiser très précisément la présence de corps jaune (corps fonctionnel situé sur l'ovaire, responsable de la production de l'hormone de grossesse -la progestérone- assurant le maintien de la grossesse), ou la présence de liquide utérin, ou éventuellement de kystes...
Quel étalon choisir pour ma jument ?
Faut-il prendre un étalon de pointe ?
Actuellement, on constate une préférence pour les étalons de pointe reconnus, mais choisir un tel étalon ne signifie pas que vous obtiendrez des résultats d'élevage optimaux. De nombreux éleveurs qui se dirigent vers des étalons de ce type aiment leur silhouette, leurs performances, leurs conformations aux standards de la race, ou encore savent qu'un tel nom sur le papier leur permettra de bien négocier la vente de leur futur poulain. Mais ce n'est en aucun cas la garantie d’obtention d’un “bon poulain”.
Par conséquent, lors de la sélection d'un étalon, il faut d’abord comparer les critères de la jument avec ceux de l’étalon : physique, mouvement, comportement, maniabilité, aptitude à l'entraînement, performance, succès... L'étalon est censé “améliorer” la progéniture de la jument, et doit donc être meilleur que la jument dans ses zones les plus faibles.
La reproduction, ce n’est pas de l'arithmétique
Vous pouvez partir du principe que la jument contribue à 70 % du poulain (parfois appelé "produit" dans le monde de l’élevage) et l'étalon, quant à lui, aux 30% restants. Si vous croisez des chevaux aux caractéristiques complètement différentes, cela ne veut pas dire que celles-ci vont s’équilibrer et que le métabolisme du poulain reflétera une moyenne de ses deux parents. Au contraire, il s’agira bien plus souvent d’une dominance de l’un sur l’autre, selon que les gènes paternels seront plus susceptibles de l’emporter sur les gènes maternels, ou réciproquement.
Chez les chevaux, un étalon de grande taille n'implique pas, à l’inverse de chez les bovins, forcément une mise à bas difficile. En effet, c’est la dimension de l'utérus de la jument qui détermine la taille du poulain à la naissance. Ici encore, la Nature fait très bien les choses. Cela explique pourquoi les mises à bas difficiles sont rares chez les juments !
Échec de la fécondation et âge de la jument
Pourquoi ma jument n'est-elle pas pleine ?
Il y a deux raisons majeures qui expliquent un échec récurrent de la gestation : la présence de bactéries pathogènes dans l’appareil reproducteur (l’analyse bactériologique sera positive), et des problèmes de muqueuse utérine (une biopsie s’imposera).
Par ailleurs, il y a un problème si la jument réagit à une insémination en sécrétant beaucoup de liquide dans l'utérus, si elle produit trop peu de progestérone, ou si elle libère des ovules déficients. Parfois des circonstances externes provoquent un stress chez la jument et impactent négativement la fécondation.
A l’inverse, il arrive aussi que cela soit dû à une qualité moindre du sperme, ou que dans certains cas (difficilement détectables), on puisse seulement dire que cela ne marche pas génétiquement entre la jument et l'étalon.
Jusqu’à quel âge une jument peut-elle se reproduire ?
A la différence des êtres humains, il n’existe pas chez la jument de ménopause, qui marquerait le début de la stérilité. Cependant chez la jument âgée, vous devrez tenir compte d’une réduction de la fertilité. De manière générale, les chances d'une grossesse réussie commencent à diminuer à partir de l'âge de 12 ans. Vous devrez donc anticiper si vous souhaitez faire reproduire votre jument. Sachez qu’il y a toujours une part de défi physique dans une gestation : la jument doit, non seulement ne pas souffrir de maladie pulmonaire, de maladies héréditaires (maladie naviculaire par exemple), et ne pas présenter d'autres affections douloureuses comme l’arthrose.